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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 16:53

 

 

Ahlem est un écrivain qui dissimule à travers ses romans un père fantastique qui « hante » sa plume..

Je n'irais pas jusqu’à dire qu’il tient « la clef » de ses romans mais il est indéniable qu’il lui fit porter tout le poids de son histoire personnelle laquelle se confond avec l’histoire de l’Algérie.

Son père Mohammed Chérif est un homme très attaché à la poésie et aux auteurs classiques français. C’est un être extrêmement sensible qui adore faire partager Voltaire, Victor Hugo, et Jean Jacques Rousseau à la première personne qui lui prêterait une oreille attentive.


Cet homme est capable de te relater une bonne partie de l’histoire du nationalisme Algérien et des centaines d’anecdotes sur Constantine sa ville natale, constamment présente dans presque toute discussion à laquelle il participe.

Ahlem, sa fille aînée, a grandi dans un milieu familial dans lequel le père joue un rôle central.



 

Elle se sentait très proche du père, et à travers lui, de l’oncle considéré comme son frère aîné. Elle subissait déjà les soubresauts de la politique après l'independance qui lui a permis de découvrir une autre facette de la blessure algérienne ( la prise du pouvoir par le colonel Houari Boumediene et la tentative de coup d’Etat du colonel Tahar Zbiri ).

Elle vivait la plaie Algérienne chaque jour à travers la vie de son père militant du P.P.A ( Parti du Peuple Algérien ) qui avait connu - en son temps- la prison française à la suite des manifestations des algériens revendiquant ouvertement l’indépendance, un certain 8 Mai 1945 à Constantine.

Ahlem n’est pas étrangère à ce présent proche de nos mémoires, ni à ce passé qui pèse sur nous. Elle les porte en elle. Son père est présent partout dans ses écrits, même lorsqu’il n’apparaît pas.

Lorsque la guerre d’Algérie éclata ses cousins aînés ( Azzedine et Houba ) avaient toujours saisi la moindre occasion pour se solidariser avec les Moudjahidines notamment en participant aux manifestations estudiantines qui avaient éclattées à Tunis. Ils avaient fini dès 1955 par rejoindre le maquis des Aurès.

Il reste jusqu’à présent dans la mémoire d’Ahlem certaines traces de cette période, d’autant que la maison du père en cette phase cruciale de la révolution était devenu un lieu où convergeaient les moudjahidines, ceux qui partaient pour rejoindre le maquis, ou ceux qui revenaient pour se soigner.C’est ce qui advint d’ailleurs à Azzedine devenu plus tard un officier supérieur de l’ALN.

Le père, haut fonctionnaire, fut victime d'une dépression dès 1967 en partie à cause de son incapacité à gérer les conflits gènérés par la prise du pouvoir par le colonel Houari Boumediene en 1965.

Il devra fréquenter de manière assidue le service de psychiatrie de l’Hospital de l’armée.

Ahlem était adolescente à cette période.

Elle était lycéenne au lycée Aïcha, l’aînée d’une famille de quatre enfants.A elle revenait « le plaisir » de rendre visite à son père hospitalisé à l’hôpital de l’ANP de Bab El Oued au moins trois fois par semaine.

La maladie de son père était d’une certaine manière la maladie de l’Algérie. C’est ainsi qu’elle la percevait.

En plus de son travail quotidien qui le conduisait à effectuer plusieurs missions à l’intérieur du pays, conseiller auprés de la présidence pour les questions agricoles, il animait une émission radio en langue française, consacrée à la sensibilisation des auditeurs aux problèmes liés à la mise en œuvre de l'autogestion des terres agricoles abandonnées par les colons .

Ahlem était toute fière d’écouter son père à la radio.Quelques années plus tard elle en fit de même.

Par ailleurs toujours dans la cadre du bénévolat, le père consacrait une partie de son temps libre à rédiger des ouvrages destinés à l’alphabétisation, compagne lancée par le président Ben Bella.

Le soir venu, il s’assurait que les enfants dormaient, puit se remettait au travail.

Lorsque Ahlem toute jeune ( 18 ans ) présentait son émission radio à succès « hamassat », lorsqu’elle se publiait des articles dans les journaux, lorsqu’elle décrochait son Baccalauréat, son père en ces moments là était hospitalisé pour elle c'était une souffrance. Une certaine Algérie qui faisait tout dans la douleur.

Au début des années soixante dix Ahlem se rendit à Paris.

Mariée à journaliste Libanais sympathisant de la lutte algérienne, elle se consacra aux études universitaires, couronnées par la soutenance d'une thèse ayant pour titre "Algérie femme et écritures", tout en élevant ses trois enfants.

Au début des années quatre vingt elle renoua avec la littérature en collaborant à plusieurs revues éditées à Paris et à Londres.

Ahlem, même si elle fait partie de la nouvelle génération d’écrivains, elle a derrière elle néanmoins un quart de siècle d’activité dans le domaine de la littérature et du journalisme.

Aujourd’hui elle vient de créer le prix Malek Haddad un alibi à l’amour de l’écriture.

Les algériens ont de formidables aptitudes croit-elle et sont capables de magnifiques prouesses pour peu qu’on leur fasse confiance, et qu’on les mettent sur les rails.

N’est ce pas la plus belle des ambitions que de voir d'autres talents reprendre goût à l’écriture...

PS : Que les " internautes lecteurs " ne s'imaginent pas que par mégarde, j'ai mis tout au long de ces paragraphes, au devant de la scène, le père, et qu' à Ahlem j'ai presque attribué un rôle second .

Croyez-moi tout comme le père se confond avec l'histoire de l'Algérie contemporaine, Ahlem lui emboite le pas, non seulement pour se placer à travers lui en tant que témoin d'une époque, mais aussi pour le perpétuer à l'infini.......

 

Mourad Mostaghenemi



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