Le nom de Mouloud Feraoun résonne toujours avec force dans les cœurs et les esprits de ceux qui chérissent la littérature algérienne. Ce grand écrivain, arraché trop tôt à la vie par les balles assassines de l'OAS en pleine guerre d'indépendance, continue de vivre à travers ses œuvres. Cette année, une nouvelle des plus enthousiasmantes a secoué le monde de l'édition. Deux de ses livres, "Jours de Kabylie" et "Lettres à ses amis", traduits en arabe, vont enfin voir le jour et trouver leur place dans les rayons des librairies dès le mois de juin prochain.
L'annonce a été faite par son fils, Ali Feraoun, qui préside la fondation portant le nom de son père. C’était en marge des festivités organisées dans leur village natal de Tizi Hibel, un lieu chargé de mémoire et d'émotion. Chaque année, le 15 mars, les habitants et admirateurs de l’écrivain s'y rassemblent pour lui rendre hommage.
Cette année, l’émotion était double. Non seulement on commémorait le 63e anniversaire de son assassinat, mais on célébrait aussi la renaissance de son travail sous une nouvelle forme. Une façon, sans doute, de déjouer l'oubli et de faire découvrir Mouloud Feraoun à une audience encore plus large.
La traduction d'une œuvre littéraire, c'est toujours un événement. C'est une autre manière de redonner vie à des mots, de les faire voyager, d’élargir le cercle des lecteurs. Mouloud Feraoun, à travers ses écrits, a dressé un portrait authentique et poignant de l'Algérie rurale, de ses traditions, de ses souffrances et de ses espoirs. Ces thèmes sont universels et leur portée ne se limite pas à la langue française ou kabyle dans lesquelles ils ont été initialement pensés et écrits.
Les œuvres concernées, "Jours de Kabylie" et "Lettres à ses amis", offrent deux perspectives essentielles du regard de Feraoun sur son pays. Le premier est un recueil de textes décrivant avec justesse et sensibilité la vie quotidienne en Kabylie, tandis que le second rassemble sa correspondance, témoignant de ses réflexions profondes et de ses liens avec ses proches et collègues. Ces écrits, emplis d’humanisme et d’engagement, prennent aujourd’hui une nouvelle dimension en se frayant un chemin vers un lectorat plus large, notamment arabophone.
Sachant que certaines des oeuvres de Mouloud Feraoun étaient déjà traduites, à l'instar de " Fils du pauvre" actuellement accessible en 17 langues, ces deux nouvelles traductions s’inscrivent dans un contexte particulier. L’Algérie continue de vouloir réhabiliter et valoriser ses figures littéraires emblématiques. L'apport de Mouloud Feraoun ne se limite pas à la littérature ; il était aussi un éducateur engagé, un penseur humaniste, un homme qui croyait en l’émancipation par le savoir.
En offrant ces livres à de nouveaux lecteurs, c’est une part de l’histoire algérienne qui se raconte à travers des pages à la fois simples et profondes. Ceux qui ne connaissaient pas encore Mouloud Feraoun pourront ainsi plonger dans son univers, comprendre ses récits, et surtout, percevoir l’importance de son message.
Ali Feraoun l'a souligné lors de son allocution à la radio locale : cette traduction n'est pas simplement un projet éditorial, c'est un acte de transmission. C’est le moyen de faire entendre une voix que l’on a tenté de faire taire brutalement. Mais un écrivain ne meurt jamais tant que ses mots continuent de circuler.
On ne peut s'empêcher de penser à l'impact que cette sortie aura sur les nouvelles générations. Aujourd’hui, les jeunes s'intéressent de plus en plus à leurs racines, à leur histoire, et redécouvrent avec fierté leurs auteurs. Mouloud Feraoun est de ceux qui ne vieillissent pas, dont les écrits résonnent avec une intensité intacte, malgré les décennies passées.
L’événement de juin n'est pas qu'une simple sortie littéraire. C'est un passage de flambeau, une ouverture, une renaissance. Ces livres, qui ont déjà marqué tant de lecteurs en Algérie et ailleurs, vont pouvoir toucher une audience encore plus vaste. Et qui sait, peut-être que cette initiative donnera lieu à d’autres traductions, permettant ainsi à toute l’œuvre de Mouloud Feraoun de franchir encore plus de frontières.
L’émotion est palpable chez ceux qui suivent de près cette actualité. Entre respect pour la mémoire de l'écrivain et excitation à l'idée de voir ses livres atteindre de nouveaux lecteurs, une chose est sûre : Mouloud Feraoun reste et restera un écrivain immortel.
Moussa Tertag