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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 19:34

  des hommes

Voilà trois ans, Laurent Mau­vignier signait Dans la foule, un roman en forme de ola déchaînée, une œuvre sismique sur la tragédie du Heysel, qui frappait par son style déferlant, ses phrases longues et noueuses, son art de l'apnée vorace. Il revient aujourd'hui avec la même endurance à l'estomac, pour explorer une zone trouble, quasi opaque, de l'histoire de France : la guerre d'Algérie, ce « séjour au club bled » que les appelés français ne purent jamais raconter aux leurs, parce que « oui, bon, c'est pas Verdun », alors il ne reste qu'à « continuer, reprendre, il faut avancer, ne pas remuer », et se relever la nuit avec une ques­tion lancinante : « Qu'est-ce qui m'a échappé ? Qu'est-ce que je n'ai pas compris ? Il faut bien que quelque chose soit passé tout près de moi, que j'ai vu, vécu, je ne sais pas, et que je n'ai pas compris. »

Des hommes s'ouvre comme un film de Maurice Pialat : nerveux, élastique, ravageur, le premier chapitre pourrait faire un roman à lui tout seul tant la déflagration est assourdissante. Un repas de départ en retraite, dans la salle des fêtes d'un village enneigé. Parmi les invités, Bernard, alias Feu-de-Bois, fait tache, comme ce verre de vin qu'il lancera sur le pull chiné blanc et jaune de sa soeur. Même son odeur, une puanteur savonnée pour l'occasion, est le symptôme d'un passé mal étouffé. Une quarantaine de pages, pour dire la mise en quarantaine d'un homme qui n'a même plus droit à son prénom, un homme ravagé par ce qu'il a vu en Algérie, quarante ans plus tôt : « Quels sont les hommes qui peuvent faire ça. Pas des hommes qui peuvent faire ça. Et pourtant. Des hommes. »

Au plus près de la flammèche qui maintient cette épave en vie, Laurent Mauvignier traque les dernières preuves de son humanité avec une délicatesse poignante, où la crudité le dispute au merveilleux, où la mesquinerie avoisine la grandeur d'âme. Ses retours à la ligne, au beau milieu des phrases, sont comme des hoquets asphyxiés, des déglutitions étranglées. Ses dialogues sans guillemets, agglomérés à la narration, sont un appel à la libre circulation de la parole : peu importe qui s'exprime, du moment que le non-dit peut vociférer. A moins que cela ne soit le constat désolé de l'impossibilité de faire entendre sa voix.

Des hommes est aussi un livre sur le droit au silence. Au fil des chapitres, respecti­vement intitulés « Après-midi », « Soir », « Nuit » et « Matin », la vérité la plus nauséeuse sur une époque honteuse se fait jour. L'atrocité dit son nom, l'opprobre, l'incrédulité, l'humiliation, la bestialité aussi.

Mais le témoin qui raconte a participé. Il s'appelle Rabut, cousin de Feu-de-Bois. Mystérieux narrateur, il se cache derrière les traumatismes en strates de Feu-de-Bois pour mieux se taire. « Alors, parler de lui, de Feu-de-Bois, Bernard, c'était déjà ça pour ne pas avoir à parler du tout », glisse-t-il au coin de sa confession salutaire. Ce doute sur la nécessité de briser le silence fait la force de ce livre à double fond, confiant dans l'irrémédiable cheminement de la conscience : « Ça a commencé par des mots écorchés, ou plutôt rabotés, escamotés, un flot sans aspérité, sans consonnes ni voyelles pour former des sons identifiables, mais on savait, je savais. »

 

Source :Télérama

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11 septembre 2010 6 11 /09 /septembre /2010 15:58

  la carte

Si Jed Martin, le personnage principal de ce roman, devait vous en raconter l’histoire, il commencerait peut-être par vous parler d’une panne de chauffe-eau, un certain 15 décembre. Ou de son père, architecte connu et engagé, avec qui il passa seul de nombreux réveillons de Noël.

Il évoquerait certainement Olga, une très jolie Russe rencontrée au début de sa carrière, lors d’une première exposition de son travail photographique à partir de cartes routières Michelin. C’était avant que le succès mondial n’arrive avec la série des « métiers », ces portraits de personnalités de tous milieux (dont l’écrivain Michel Houellebecq), saisis dans l’exercice de leur profession.

Il devrait dire aussi comment il aida le commissaire Jasselin à élucider une atroce affaire criminelle, dont la terrifiante mise en scène marqua durablement les équipes de police.

Sur la fin de sa vie il accédera à une certaine sérénité, et n’émettra plus que des murmures.

L’art, l’argent, l’amour, le rapport au père, la mort, le travail, la France devenue un paradis touristique sont quelques-uns des thèmes de ce roman, résolument classique et ouvertement moderne.

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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 01:47

mouloud mammeri

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