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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 09:28

Faïza Guène, qui a connu un succès fulgurant après la sortie de son premier roman Kiffe Kiffe demain (sorti en 2004 et vendu à 400 000 exemplaires), écrit à 18 ans, revient, dans cet entretien, sur son roman en cours d’élaboration, sa résidence d’écriture à Aïn Témouchent (organisée par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel), son rapport à la langue, à l’écriture et à ses origines algériennes.

 

Liberté : Vous étiez en résidence d’écriture à Aïn Témouchent du 9 au 20 avril. Comment cela s’est-il déroulé et qu’en est-il du texte que vous avez écrit ?

Faïza Guène : J’ai pris contact avec l’Aarc par l’intermédiaire du directeur du Centre culturel algérien de Paris, Yasmina Khadra. Je cherchais un soutien au niveau de l’Algérie parce que je suis binationale et très proche de mon pays d’origine. Je cherchais un partenaire et ils se sont tout de suite proposés. J’ai vraiment apprécié et j’ai pris cela comme un encouragement, parce que je trouve que c’était dommage de ne pas avoir plus de liens avec les institutions algériennes pour mon travail. Le roman que je suis en train d’écrire actuellement traite du déracinement, et pour l’écrire, il fallait retourner à mes racines. Je me suis servie de mes souvenirs, de ce qui était familier pour moi, comme un outil pour l’écriture. Ce roman intitulé la Rééducation raconte l’histoire d’une famille qui se sépare et qui finira par se ressouder suite à la mort du père. C’est l’histoire d’une rupture familiale et une réflexion sur le rapport aux origines et à l’exil. Des questions transversales à tous mes livres. C’est une comédie sociale et, même si c’est sérieux, c’est traité d’une manière légère. C’est transversal à tous mes livres. 

 

Même si on retrouvera les mêmes questionnements, il y a certainement plus de recul, de maturité…

Je dirais que c’est plus intime que les trois précédents. Je suis restée plus en surface sur les trois précédents, mais il y avait aussi une volonté de prendre de la distance et de raconter des choses légères, même s’il y avait des thèmes assez énormes, comme l’illettrisme, la pauvreté, la solitude.

 

On vous surnomme en France “la Sagan des cités”. Êtes-vous d’accord avec ce cloisonnement, cet enferment dans une certaine littérature dite “littérature beure” ?

Je ne me définis pas comme un auteur de banlieue. En France, ils ont beaucoup dit cela, mais c’est une manière de mettre en marge les gens, de les renvoyer toujours à une situation marginale. La littérature urbaine, dite de banlieue, ça n’existe pas. Ce que je trouve contradictoire, c’est que je n’ai jamais eu l’impression d’écrire sur les banlieues. Et c’est la raison pour laquelle j’avais vraiment envie que ce livre traite de sujets de manière moins légère peut-être. 

 

Cette étiquette est également due peut-être à la langue utilisée (argot, verlan, etc.)…

Dans mon premier roman écrit à la première personne du singulier, la narratrice était une adolescente de quinze ans, et donc la langue utilisée rendait l’histoire plus réaliste. Je voulais vraiment donner une voix particulière. Mais il avait été perçu comme si j’avais écrit ma propre langue, mon journal intime, ce qui n’était pas du tout le cas. C’est un livre malgré l’argot que j’ai employé – argot employé même par les habitants du 16e arrondissement – qui a été traduit en 28 langues. Si c’était vraiment une problématique de banlieue française, cela n’aurait pas intéressé autant de monde. 

 

Vous avez un parcours incroyable et avez connu le succès très jeune. Comment vit-on le succès lorsqu’on est jeune ?

C’était énorme. Je n’ai pas été préparée donc, du coup, j’ai fait les choses spontanément et peut-être que c’était cela ma chance. Et l’autre chose, c’est que ce n’était pas une démarche de ma part d’être publiée. Je n’ai pas nourri de fantasmes, ce n’est pas comme quelqu’un qui écrit un manuscrit et qui frappe à toutes les portes de maisons d’éditions et qui se bat pendant dix ans pour publier quelque chose. Je n’avais pas d’attente, et c’était une chance parce que j’ai vécu les choses avec plus ou moins de distance. 

Je pense que je n’avais pas d’enjeux. J’ai la chance d’être dans une famille très aimante, et mon cadre familial était structurant. Je n’ai pas cherché autre chose seulement de rencontrer des gens et partager ce que j’aimais faire avec les autres, etc. Ce n’était pas une période horrible. 

 

Quel est votre rapport à l’Algérie ?

Je viens tous les ans depuis que je suis toute petite (depuis l’âge de deux mois). J’ai un rapport très affectif avec l’Algérie, puis on porte vraiment la déchirure de l’exil. Ma mère a suivi mon père en France quand elle avait 30 ans, et quand elle est arrivée, elle a mal vécu le fait de venir en France, ce n’était pas le “french dream”. Elle nous a transmis un peu ce truc, c'est-à-dire d’imaginer toujours un retour possible. Je suis née en France pourtant, mais on a toujours vécu avec ce poids. Et je m’interroge sur l’héritage qu’on a. Dans mon cas, je n’idéalise pas l’Algérie, mais en même temps j’ai un rapport d’affection, j’y ai de bons souvenirs et des gens que j’aime.

 

Paru in : Liberté

 

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 11:49

Udo Satoshi est universitaire et chercheur japonais spécialiste de la littérature algérienne. Il sera à Alger le 15 mars prochain pour animer une conférence sur l'écrivain Mouloud Feraoun dans le cadre d'un colloque international qui sera organisé par le Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique (Cnrpah). Udo Satoshi a fait son mémoire de maitrise sur le roman «La Répudiation» de Rachid Boudjedra et sa thèse de doctorat sur Kateb Yacine. Dans cet entretien, il nous parle de son regard sur la littérature algérienne.

L'Expression: Vous êtes invité à animer une conférence sur l'écrivain Mouloud Feraoun à Alger dans le cadre d'un colloque international sur ce romancier. Sur quoi au juste portera votre intervention?

Udo Satoshi: Mon intervention s'intitulera «Portrait du jeune homme dans le roman fondateur: Mouloud Feraoun et Sôseki Natsume». On m'avait proposé de comparer Feraoun avec des auteurs japonais et j'ai décidé de parler de Sôseki (1867-1916), écrivain dit «national» au Japon. La parution du véritable roman moderne au Maghreb, donc «Le fils du pauvre» (1950), s'attarda beaucoup par rapport à celle du Machreq (Zaynab, 1914) ou du Japon (Ukigumo, 1887). Mais je crois que, grâce à ce retard, Feraoun a pu réaliser une singularité dans son roman fondateur. Je voudrais aussi mentionner brièvement le cas chinois (Lu Xun, 1881-1936), le cas coréen (Yi Kwang-su, 1892-1950) et le cas tibétain (Döndrup Jya, 1953-1985).

 

Vous travaillez sur la littérature algérienne depuis plusieurs années, comment l'avez-vous découverte?

Dans les années quatre-vingt-dix, des auteurs antillais et leurs théories «créoles» étaient momentanément à la mode au Japon. Et dans ce courant, la littérature maghrébine francophone a été aussi présentée, quoique limitée, au lectorat japonais. J'ai découvert la littérature algérienne d'abord par la traduction japonaise, consacrant mon mémoire de maîtrise à «La répudiation» de Rachid Boudjedra.

 

Vous avez aussi réalisé une thèse de doctorat sur Kateb Yacine. Pourquoi avez-vous choisi spécialement cet écrivain algérien?

J'ai pensé qu'il était indispensable d'étudier Kateb si l'on voulait vraiment comprendre la littérature algérienne et maghrébine, surtout les romans après Nedjma. Et sa poésie éclatante m'a saisi tout de suite. J'ai écrit mon mémoire de master sur les «cadavres» et l'africanité chez Kateb.

 

Sur quoi porte votre thèse de doctorat consacrée à Kateb Yacine?

Ce sera la première thèse sur la littérature maghrébine soutenue au Japon. J'ai donc essayé de montrer diverses facettes de Kateb, mais j'ai surtout travaillé sur «Le polygone étoilé». Jacqueline Arnauld a recueilli ses textes inédits en les appelant les uvres en fragments. En réalité, toutes les oeuvres katébiennes sont essentiellement fragmentaires, mais n'oublions pas que ces amas de fragments constituent une cosmologie mouvante et proliférante. En mentionnant tous les fragments du Polygone étoilé, j'ai tenté de saisir d'abord la cosmologie du livre. Ce livre commence par l'ouverture «cosmogonique» d'un univers et finit par la réminiscence visionnaire recherchant le passé familial; ces deux volets (l'origine de l'être et l'origine de la personne) encadrent des épisodes en désordre, là où se répètent errances, malchances, défaites... Et des personnages parfois impersonnels courent, en traversant plusieurs fragments, dans cette cosmologie livresque. Mais comme Kateb lui-même s'appelait «l'homme d'un seul livre», tous ses fragments veulent, quoiqu'incohérents, s'intégrer et s'unifier en déstructurant les cosmologies livresques que constituent Nedjma ou Le polygone étoilé. La lecture d'un livre katébien nous invite donc à retracer à la fois l'émergence d'une cosmologie par la structuration des fragments et la déstructuration du livre par le défeuillage des pages (qui devraient se greffer à «un seul livre»). Ce dynamisme cosmologique (émergence-structuration-déstructuration) ne s'arrêtera pas et «un seul livre» ne s'achèvera pas car Kateb aurait écrit et réécrit infiniment des fragments et nous continuerons à lire sans fin. J'ai nommé dans ma thèse cet éternel dynamisme d'écriture «la cosmographie katébienne». Et dans cette cosmographie mouvante, des personnages sans profil (qui pourraient être parmi nous) connaissent leur destin malheureux. Mais c'est parce qu'on est «voué à la ruine» que l'on peut ressurgir comme la «Numidie en déroute pour d'autres charges réunis...». En lisant les malheurs des protagonistes, nous confirmons paradoxalement la possibilité du futur. Je crois que la littérature de Kateb Yacine nous chante, malgré son apparence pessimiste, un hymne à l'espoir.

 

Pouvez-vous nous parler de la traduction d'oeuvres algériennes au Japon?Kateb Yacine est-il lu chez vous?

D'autres écrivains peut-être? «L'Opium et le bâton» de Mouloud Mammeri et «Un été africain» de Mohammed Dib sont les premiers romans algériens traduits en japonais. Ces deux livres ont été publiés fin des années soixante-dix dans une collection de la littérature arabe contemporaine, dirigée par un écrivain tiers-mondiste Hiroshi Noma. Mais depuis les années quatre-vingt-dix, les romans algériens ont été présentés dans le cadre de la littérature francophone. Malheu-reusement, la littérature algérienne n'est encore connue que par certains chercheurs, et je me donne pour mission de la présenter au lectorat japonais.

 

Quels sont les écrivains algériens anciens et nouveaux qui vous fascinent? Pourquoi?

Feraoun, Mammeri, Kateb, Dib, Mimouni, Belamri (j'ai traduit partiellement «Le regard blessé»), Djaout... Ce sont les auteurs de défi, contestataires poétiques. Je m'intéresse aussi aux écrivains arabophones comme Benhedouga, Ouettar (il me faudrait présenter Al-Zilzâl aux Japonais) et Laredj... Et les jeunes auteurs qui se publient chez Barzakh comme Benfodil ou Kamel Daoud me fascinent depuis peu de temps. Mais en vivant à Tokyo, j'ai beaucoup de difficultés pour acheter des livres publiés en Algérie...

In L'Expressiondz

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 08:58

khadraYasmina Khadra qui vient d'être récompensé du prestigieux prix de littérature Henri Gal de l'Académie Française, et invité à recevoir un autre prix Littéraire au bahrein, a accordé aujourd'hui un entretien exclusif au quotidien national Algérien Liberté. En voici la teneur :

Liberté : M. Khadra, vous venez d’être consacré deux fois en l’espace de quelques jours. Vous obtenez d’abord le Grand Prix de littérature, décerné par l’Académie française, et vous êtes convié au Bahreïn pour être honoré. Quel effet cela vous fait-il ?
Yasmina Khadra : ça me réconforte. Je ne suis pas aussi seul que je le pensais. L’Académie française me rétablit dans mon intégrité d’homme et de romancier. Et cela m’encourage à poursuivre ce que j’estime être une belle vocation. J’ai toujours été un homme d’honneur, et seuls ceux qui en sont dépourvus refusent de l’admettre. Quant au prix bahreïni, il m’offre l’opportunité d’élargir un peu mon audience dans cette partie du monde où je ne suis pas très connu. Il est rarissime qu’un pays arabe me consacre.

Le royaume du Bahreïn a connu des troubles très graves récemment. Redoutez-vous d’aller dans un pays où la stabilité semble fragile ?
Quand on vient d’Algérie, on peut se rendre n’importe où. Les Algériens se sont initiés à la pire des situations et, pourtant, nous continuons de croire et de rêver. Bien au contraire, je suis même curieux d’aller sur le terrain bahreïni tâter le pouls de ce pays pour lequel j’ai de la considération. Je connais Dubaï, Abu Dhabi, le Koweït et je trouve que le Bahreïn est une prouesse de la modernité et un exemple de tolérance et d’émancipation. Petit en surface, énorme par le cœur, le Bahreïn ne mérite pas ce qui lui arrive. C’est un dommage collatéral du “printemps arabe”. Certes, nous sommes ravis de l’éveil spectaculaire des peuples dits arabes, mais le Bahreïn n’a rien à voir avec ces soulèvements. À ma connaissance, il y a erreur sur la cible. Le Bahreïn est victime de son indulgence et de ses largesses. Parce que son roi accorde beaucoup de sa générosité, les intégristes chiites réclament plus, et leurs exigences dépassent l’entendement jusqu’à menacer la légitimité du trône. Le tapage médiatique outrancier, qui confond tout, a terni l’image de ce pays où la femme est la plus libre de la région, où l’éducation est une priorité absolue, où l’opposition existe depuis plus d’un siècle et où cohabitent sainement religions et croyances. J’ai été stupéfait de constater que la mosquée, la synagogue, l’église, jusqu’au temple bouddhiste vivent en harmonie à Bahreïn, ce qui est d’une rareté sidérante dans de nombreux pays musulmans. Me rendre à Manama me permettrait de comprendre davantage ce qui s’est passé dernièrement.

Quelle est votre vision de ce qui se passe dans les pays arabes ?
C’est d’abord un immense soulagement. On n’y croyait plus. Longtemps considéré comme un cheptel, nos peuples, avec l’ensemble de leurs composantes ethniques, sont en train de forcer le respect aujourd’hui. En Chine, en Amérique latine, en Europe, les laissés-pour-compte s’inspirent de notre colère pour “s’indigner” et réclamer plus d’équité et de considération. Cependant, nous devons nous méfier de ce qui se trame derrière cette ébullition populaire. Car les enjeux sont différents d’une nation à l’autre, et les euphories souvent sont aveuglantes. À titre d’exemple, les conséquences de la guerre civile en Libye pèseront lourd sur la stabilité de la région entière.

On ne vous entend pas beaucoup sur ce qui se passe en Algérie. Pourquoi ce silence ?
 Je suis intervenu au début, notamment sur de rares télés et radios françaises, mais lorsque je me suis aperçu que j’étais présenté comme un militaire, j’ai préféré m’abstenir. Dans la confusion programmée, la lucidité n’a pas sa place, et mes propos ont été déformés ou interprétés de façon malveillante sur certains sites algériens toujours prompts à sortir la tronçonneuse dès que je remue un muscle. Lorsque les esprits s’interdisent de changer d’avis, la sagesse voudrait que l’on n’insiste pas. Ce qui se passe en Algérie m’interpelle au plus profond de ma personne. Je suis attentif au moindre soubresaut et je m’inquiète des tournures que prennent les dialogues de sourds chez nous. J’attends du concret, et le concret se voile la face. On tourne autour du pot sans oser crever l’abcès. Par exemple, ces conciliabules qui s’enchaînent chez M. Bensalah à propos des réformes, qu’apportent-ils aux attentes du peuple algérien ? J’ai le sentiment d’assister à un casting. Les gens qui défilent chez M. Bensalah ne représentent qu’eux-mêmes. Ils ont échoué dans leurs missions et ont le tort de penser qu’ils sont encore utiles à quelque chose. Les vraies réponses sont ailleurs. Il faudrait écouter les harragas, les hittistes, les offensés, les “indignés”, tous les Algériens. J’ai appris que la communauté algérienne établie à l’étranger n’a pas été sollicitée. 
Or, elle recèle d’énormes potentialités, d’expériences louables. Il y a fausse donne quelque part, et je suis excédé par la redondance post-digestive qui caractérise ce débat qui devrait s’élargir à l’ensemble des susceptibilités politiques, sociales et culturelles algériennes. On ne fait pas un festin à partir des restes d’un repas consommé la veille. Nous avons besoin d’entendre d’autres sons de cloche, et les chansons que l’on nous ressasse à longueur des nullités sont en passe de nous rendre cinglés. D’ailleurs, ne le sommes-nous pas déjà un peu ? Il faut laisser s’exprimer les artistes, les consciences, les chercheurs, les universitaires ; ils sont les fibres sensibles de la nation, les vrais bâtisseurs de ses rêves et de ses ambitions. 
L’Algérie a besoin d’une expertise et non de bavardages oiseux et inféconds, d’un programme clair et net capable de stimuler les foules laborieuses. M. Bensalah aurait dû revoir la liste de ses interlocuteurs. L’exclusion nous a conduits droit dans le mur. Désormais, il va nous falloir ramasser nos morceaux avec un maximum de précautions. Nous voulons découvrir d’autres figures de proue. L’Algérie n’est pas ménopausée. Elle continue d’enfanter, et l’avenir ne s’opère que dans les aspirations des nouvelles générations. Il faut donner sa chance à tout Algérien en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice national et cesser de croire que lorsqu’on n’est pas d’accord avec certaines choses, on est un ennemi. Je ne suis pas d’accord avec un tas de gens, aussi bien dans le pouvoir que dans l’opposition, et à aucun moment je n’en ai nourri une quelconque animosité. Lorsque mon fils ne partage pas mes idées, cela ne l’empêche pas de partager mes repas, ma vie et mon bonheur. L’Algérie appartient à chacun d’entre nous, et nous sommes tous, grands et petits, responsables de son devenir. Encore faut-il s’éveiller à cette responsabilité. Beaucoup de gens sont persuadés qu’incriminer les autres les absout de leurs torts. C’est archifaux. Ce charisme d’hercule forain qu’exhibent certains dirigeants et certains opposants me rappelle le galop aérien de ces chevaux de cirque qui se la pètent pour amuser la galerie. Nous n’en sommes plus là, désormais. Nous n’avons ni le temps de frimer ni celui de nous donner en spectacle. Il y a urgence. La mondialisation effrénée ne pardonnera pas aux traînards. Il existe, parmi les Algériens, des compétences à la pelle. Il suffit de s’effacer devant elles, de les “autoriser” à sauver les rares meubles qui nous restent. J’en ai rencontré des contingents en Europe, en Asie, aux Amériques. 
Ils sont banquiers, industriels, savants, chercheurs émérites, inventeurs. Tous portent l’Algérie dans leur cœur, et tous ne trouvent pas d’interlocuteurs pour faire bénéficier notre pays de leur génie et de leur savoir-faire. Nombre d’entre eux sont découragés dès lors qu’ils sont accueillis froidement dans nos ambassades. Un autre danger se profile à l’horizon. La montée virulente du racisme en Europe et les dangers qui gravitent autour de nos ressortissants pourraient, si les choses venaient à s’enfieller davantage, provoquer un retour massif de nos émigrés au bercail. C’est peut-être improbable, mais l’anticipation est la faculté de prendre une longueur d’avance sur le cours de l’histoire car un malheur est vite arrivé. Les lendemains sont des espaces en jachère, ils appartiennent à ceux qui savent les investir. Ce n’est pas en se contant fleurette qu’on aura des chances de se réveiller. Notre convalescence a trop duré, et dans la simulation grotesque qui est devenue notre sport national favori, nous manquons grossièrement de crédibilité. La question qui se pose à nous n’exige qu’une réponse à deux possibles : allons-nous enfin prendre au sérieux notre destin ou bien sommes-nous trop immatures pour n’en avoir cure ?

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 09:26

Le romancier et poète Anouar Benmalek s’apprête à publier à la rentrée, en Algérie et en France, Tu ne mourras plus demain. Un récit dans lequel il revient sur la mort de sa mère. L’auteur de Les Enfants de la balle (paru en 2010) se dit étonné par le silence de l’Algérie officielle sur les situations en Libye, en Syrie et au Yémen, où les dictateurs en place massacrent leurs populations pour rester au pouvoir.
Anouar Benmalek a participé dernièrement à Alger à une journée débat sur «L’autofiction dans la littérature contemporaine» organisée par la Délégation de l’Union européenne (UE).

anouar-benmalek.jpg

-Tu ne mourras plus demain est votre nouveau récit. Il sera publié au début de l’automne. Qui ne «mourra pas» demain ?

C’est mon premier texte personnel dans lequel la distance entre l’auteur et le narrateur est nulle. J’évoque le séisme qui a été pour moi la mort de ma mère. Pour chacun de nous, la mort de la mère renvoie à sa propre mort. On se retrouve dans ce qui nous attend tous : mourir. La seule consolation que vous pouvez trouver en tant qu’écrivain est écrire. Et quand on prend comme prétexte d’écrire à sa mère, mais en fait on écrit à soi, cela devient difficile. Difficile pour moi car, en général, je ne parle pas de moi, je prends le biais de la fiction qui ressemble à une espèce de pudeur due, probablement, à l’éducation et à notre civilisation. J’attends avec une curiosité inquiète la manière dont mes frères et sœur en particulier vont recevoir ce texte.

-Et pourquoi ce passage l’écriture personnelle ?

Je ne savais pas que la mort de ma mère allait m’affecter à ce point. La mère est toujours là avec vous et on pense qu’elle est éternelle. C’est la seule à qui vous pouvez toujours vous plaindre. Et quand elle meurt, vous découvrez la réalité de l’existence. Et la réalité de l’existence est qu’on meurt. La mort de la mère vous prive de tout appui. Vous assumez alors la responsabilité de votre destin. C’est aussi une tragédie, naître pour mourir. Les animaux, qui sont dépourvus d’intelligence, ne réfléchissent pas à cela. L’intelligence est un cadeau empoisonné. Pour moi, il était indispensable d’écrire ce texte. J’étais sur un projet d’un livre. Je ne pouvais plus continuer. J’ai alors arrêté. C’est simple : si je n’avais pas écrit Tu ne mourras plus demain, je crois que j’aurais cessé d’écrire. Ma mère a souffert le martyre dans un hôpital algérien. Elle a connu tous les problèmes que connaissent les Algériens dans les hôpitaux. Il n’y a pas de médicaments ! Et quand on en trouve, il faut courir le soir derrière un infirmier. Bref, l’horreur que tout le monde connaît.

-Justement, pourquoi ne pas écrire sur les hôpitaux ?

Je ne m’attendais pas à cette question (Rire) ! Attendez, j’ai toujours été sévère envers les hôpitaux dans mes romans. Dans Les amants désunis, par exemple, il y a un passage sur les hôpitaux. Entre nous, la réalité dépasse la fiction dans les hôpitaux algériens. J’ai vu de mes propres yeux, à l’hôpital d’Alger, un agent poser le pain destiné aux malades par terre le temps de s’essuyer les mains et de reprendre le même pain ! Je n’arrivais pas à en croire mes yeux. Pire, j’ai payé un infirmier pour qu’il me ramène un drap pour ma mère malade, dans un hôpital à Alger. Si vous me branchez sur les hôpitaux algériens, je n’en finirais pas !

-Etes-vous inspiré par ce se passe actuellement dans le monde arabe comme révoltes populaires contre les dictatures ?

A mon avis, c’est l’un des événements les plus importants de ces 200 dernières années pour le monde arabe. C’est la première fois que le monde arabe découvre qu’il a droit à la dignité. C’est un événement extraordinaire. On ne se rend pas compte de cela. Je dois dire que j’ai honte pour mon pays, l’Algérie. L’Algérie, qui a gagné sa guerre d’indépendance les armes à la main, et qui ne dit rien d’explicite contre un dictateur comme Mouamar El Gueddafi, contre un Bachar Al-Assad qui bombarde sa propre population en Syrie, contre Ali Abdallah Salah qui n’a pas hésité à tirer contre les foules au Yémen, contre le Bahreïn où la révolution a été, pour l’instant, vaincue et les responsables condamnés à mort…

-Comment expliquer ce silence des autorités algériennes ?

Le silence du cartel des dictateurs se comprend. Il est normal que les dictateurs se soutiennent entre eux,  que ce soit les dictatures molles, comme l’Algérie, ou les dictatures dures, comme la Syrie. Il y a une certaine apathie de l’Algérien ordinaire qui ne sort pas dans la rue pour  exprimer sa solidarité.Cela fait mal au cœur. Il est vrai que l’Algérien a beaucoup souffert. Les quinze dernières années ont été terribles. Cela dit, nous devons, nous peuple algérien, soutenir les peuples arabes. Le monde commence à nous regarder d’un autre œil. Nous ne sommes pas condamnés à vivre dans l’indignité. Nous pouvons regagner notre place dans la civilisation.
Rendez-vous compte : les Chinois ont interdit la culture du jasmin ! Ce mot jasmin commençait à évoquer un peu trop les révolutions du monde arabe. Les indignés en Espagne ont pris comme exemple, parfois, les révoltes tunisienne et égyptienne.
Pour la première, nous commençons à être pris, non pas comme un objet repoussoir, mais comme un exemple. Cela est déjà énorme. Nous ne sommes pas condamnés à vivre avec des dirigeants qui n’ont que mépris pour leurs peuples.

El Watan

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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 09:20

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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 09:16
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11 septembre 2010 6 11 /09 /septembre /2010 23:04

« Ayant reçu mon éducation scolaire dans une institution francophone, j’ai étudié le grec et les langues latines, qui constituèrent dès lors une influence majeure dans mon évolution intellectuelle. Malgré cela, mon affect a toujours été directement lié au monde arabe, à ses traditions tant sociales que culturelles. Je sais aujourd’hui qu’on peut écrire dans une langue étrangère, l’intégrer à notre imaginaire sans pour autant rompre avec ses racines »

ASSIA DJEBBAR

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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 01:48

mouloud feraoun

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